Pourquoi des souffleries ?

La soufflerie de Meudon en 1934
Si on  conçoit qu’au début du XXéme siècle une bonne méthode était d’essayer les choses dés que les équations gouvernant leur comportement étaient trop compliquées, on pense que ce n’est plus le cas aujourd’hui avec l’apparition d’ordinateurs puissants et d’algorithmes sophistiqués.
Voila encore 20 ans, dans un autre domaine, l’acoustique, on devait pour évaluer le bruit que ferait un échangeur d’autoroute réaliser une maquette d’une centaine de mètres carrés et y promener des micros, aujourd’hui on se contente d’une « maquette numérique ». Un programme permet de modéliser l’échangeur et on obtient les résultats avec une meilleure précision qu’autrefois.
En aérodynamique les équations-Navier Stockes- donnent beaucoup plus de mal aux ordinateurs. Leur résolution est hors de portée, sans simplification, pour des formes complexes , il faut modéliser la turbulence et cela entraine un tel manque de précision que l’on ne peut faire qu’une confiance très limitée aux résultats obtenus.
Il n’existe donc pas encore en aérodynamique d’autre moyen que d’essayer « vraiment » dés que la situation est un peu complexe. La soufflerie permet tout de même une simplification en permettant l’essai de maquettes à échelle réduite. Il existe des règles de similitudes lorsque l’on change les dimensions, c’est-à-dire que deux écoulements à échelle différente donneront des résultats équivalents si :
  • la maquette a la même forme géométrique que l’original,
  • le fluide dans laquelle elle sera essayée a les mêmes propriétés,
  • des coefficients d’échelle, en particulier le nombre de Reynolds, sont respectés.
En aérodynamique la similitude n’est jamais parfaite mais on trouve des conditions donnant une bonne approximation pour un type d’essai.
Le nombre de Reynolds ρV L / ν est le produit de la masse volumique de l’air par la vitesse d’écoulement et une longueur caractéristique divisés par la viscosité de l’air.
Il compare les forces de viscosité aux forces d’inertie Pour que ce nombre soit constant sur une maquette plus petite que l’original il faut donc augmenter la vitesse. Un autre moyen est d’augmenter la masse volumique en pressurisant ou en abaissant la température. L’abaissement de température a pour autre avantage de diminuer la viscosité.
Pour les essais d’avions rapides, on doit aussi respecter le nombre de Mach qui est le rapport de la vitesse d’écoulement sur la vitesse du son car le fluide n’est plus incompressible comme aux basses vitesses ( à 15°C au sol la vitesse du son est de 340 m/s, à 11000m d’altitude à -55°C, elle tombe à 296 m/s) A 30m/s pour une maquette de 30cm le Reynolds est de 650 000 et le mach de 0,088, la compressibilité est donc négligeable. Notons que si en soufflerie c’est le Reynolds et le Mach qui comptent il n’en est pas de même dans un bassin d’essai de carènes ou les forces massiques sont importantes. C’est alors une autre constante, le nombre de Froude, qui commande la similitude ( V2/gL ou g est l’accélération de la pesanteur)
L’essai en soufflerie doit tenir compte :
  • du support de la maquette qui risque de perturber l’essai,
  • d’un effet des paroi de la soufflerie qui interdit de réaliser des essais de maquettes de grandes dimensions par rapport à celle de la veine d’essai
  • de la qualité de l’écoulement arrivant sur la maquette qui doit être exempt de perturbations.
  • du réalisme de certains essais. Par exemple si on veut mesurer l’effet de sol d’une voiture, suffit il de poser la maquette sur une plaque fixe ? Si on fait cela, la « route » ne bouge pas et l’essai est différent de la réalité.
Maquette suspendue inversée dans la soufflerie S2Ch D'Issy les Moulineaux en 1930 et montage sur dard arrière dans la soufflerie transonique cryogénique ETW de Cologne
Une épineuse question est la méthode de montage de la maquette, il faut en effet pouvoir faire des mesures sans que le support influe sur la mesure. Dans les premières souffleries on suspendait le modèle, la tète en bas à l’aide de fils et on mesurait leur tension (durant l’essai la maquette va être tirée vers le sol puisqu’elle est montée à l’envers. La soufflerie Eiffel utilisait un montage de suspension par le haut par une tige rigide constituant l’un des fléaux d’une balance (la maquette peut donc être montée à l’endroit) .
Les balances peuvent avoir plusieurs plateaux liés permettant de mesurer simultanément le moment, la portance, le dérapage et la trainée.
La mesure des efforts sur l’objet par une balance demandait une manipulation pour équilibrer les poids. La mesure devint instantanée avec l’apparition de dynamomètres électriques, puis des jauges de contraintes. Les balances à jauges permettent de mesurer simultanément suivant les 6 degrés de liberté de la maquette. 
Dans les souffleries aéronautiques modernes le modèle est supporté par un « dard » placés en arrière du modèle et fixé au sol ou au plafond de la chambre d’essai. 
Voiture convenablement profilée en dessous
mais dont la forme du toit provoque un décollement.
La vitesse du fluide était mesurée par un tube de Pitot, elle l’est maintenant par des anémomètres à fil chaud -qui utilisent la variation de résistance avec la température d’un fil placé dans la veine- pour les souffleries subsoniques, par des sondes de pression à plusieurs orifices – mesure de la différence des pressions entre orifices différemment positionnés- ou par vélocimétrie doppler –mesure de l’effet doppler sur la lumière diffusée par les particules entrainées par l’écoulement-.

Essai à Langley du P51 Mustang, Suivant les spécialistes un des avions les mieux profilés et les mieux étudiés. La disposition et la régulation des prises d’air du radiateur ventral généraient un effet statoréacteur qui compensait leurs effets de trainée.
Pour un avion, les mesures les plus courantes sont le Cx (coefficient de trainée aérodynamique) et le Cz (coefficient de portance ). 
La trainée est la résistance qu’exerce un fluide sur un objet, la portance est la force perpendiculaire au mouvement créé par l’aspiration dans un zone de dépression au dessus de l’objet. Ces résultats sont souvent représentés sous forme de polaires, courbes donnant en ordonnée Cz et en abscisse Cx suivant l’inclinaison de l’objet. 
Pour les ailes, les polaires pour des centaines de profil sont disponibles dans des bases de données dont la plus connue est celle constituée par la NACA (US National Advisory Committee for Aeronautics).
 La portance s’écrit Cz ρ S V² / 2 et la trainée Cx ρ S V² / 2 ou ρ est la masse volumique du fluide, V la vitesse et S la surface frontale ( appelé aussi maitre couple, c’est la surface projeté dans un plan perpendiculaire au mouvement) 

Taille de guêpe du Convair YF-102 après les modifications conseillées par Richard Whitcomb qui redécouvrit la loi des aires brevetée durant la guerre par la société Junkers
Pour des vitesses inférieures à Mach 0,3, la portance ne dépend pas du Reynolds au contraire de la trainée. La portance existe pour des fluides parfaits mais le rapport Cx/Cz dépend de la viscosité. Si pour des vitesses faibles la portance est proportionnelle au carré de la vitesse, elle dépend de la compressibilité pour des vitesses approchant le mach. Le mur du son provoque une onde de choc produisant une instabilité. Sur les avions modernes on pince le fuselage au niveau des ailes pour que la transition soit rapide (pour éviter que le nez de l’avion ne passe le mur du son avant l’empennage).
Au delà du mur du son la portance est principalement déterminée par le nombre de Mach.

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