La télévision des années 60: les débuts de l'enregistrement magnétique par RCA et Ampex

ampex quadruplex VR 2000
Magnétoscope Ampex "quadruplex videotape" VR 1000
dans les années 50-60 les émissions sont enregistrées sur un kinescope, c'est à dire sur une pellicule de cinéma 16 mm.
Les fabricants américains vont proposer des solutions pour enregistrer la vidéo sur une bande magnétique.
RCA et Ampex ont proposé des prototypes  dans les années 50 mais ce  ne sera que dans les années 60 qu'Ampex mettra au point la premiere solution commerciale: le quadruplex  VR-1000 à enregistrement transversal . Les engins proposés alors seront coûteux et de fonctionnement délicat. 
Le kinescope ne disparaîtra vraiment qu'avec la généralisation dans les années 70  du magnétoscope à enregistrement hélicoïdal d'origine principalement japonaise.


Les magnétophones professionnels des années 60  ont des têtes ferrite avec un entrefer d'une dizaine de  microns et une vitesse de défilement de 19cm/s. Ceci permet d'atteindre une bande passante un peu supérieure à 10 000 hz  ce qui est très loin des 4 ou 5 Mhz nécessaires à l'enregistrement vidéo.

Tête RCA
RCA va mettre au point vers 1953 une tête permettant d'obtenir 3,5Mhz , la fente étant de 0,5 microns et la vitesse de défilement de 6,6 m/s.
On peut enregistrer 15mm d'émission avec une bobine de 2300m de bande 1/2 pouce.
L'enregistrement se faisait sur 5 pistes: 3 pour les couleurs primaires (la télévision américaine a défini son système couleur NTSC en 1951 ! ) , une pour la synchronisation et une pour le son en modulation de fréquence.

Cette première génération de magnétoscopes (RCA, VERA) est donc dérivée directement de leur équivalent sonore. Ils consomment une quantité faramineuse d'une bande très coûteuse et la tête est hors d'usage très rapidement.
Le kinescope ( enregistrement sur film 16 mm) n'est donc pas menacé par le magnétoscope RCA.
Proposition de magnétoscope à tambour tournant et têtes multiples en 1957

On pense cependant dans les années 50 à d'autres solutions en cherchant du coté du multipiste ou des têtes mobiles permettant de réduire la vitesse de défilement.

Platine Ampex.
Tambour transversal à 4 têtes et têtes classiques pour la "piste de contrôle" ( de synchronisation) et le son 
Ampex, suivi de RCA, proposeront la première solution commerciale: un tambour tournant  transversal à une bande de 2 pouces (50,8 mm)  défilant à 38,1 cm/s.
Le tambour porte 4 têtes avec un entrefer de 10 microns
Le tambour tourne à 250 tr/s avec un diamètre de 54 mm, la vitesse de défilement des têtes est donc de 42m/s.

Ce sera le "videotape quadruplex" appelé "Quad"

La fréquence maximale enregistrable sur une bande est le quotient de la vitesse de défilement relative par la largeur de l'entrefer  λ ( correspondant à une longueur d'onde),
f= V/λ
Dans le cas du Quad  la fréquence maximale est donc de 4,2 Mhz ce qui est correct pour le NTSC 525 lignes mais un peu faible pour conserver la résolution de notre merveilleux 829 lignes de l'époque.
Un point favorable à l'enregistrement vidéo est qu'il exige un rapport Signal/Bruit plus faible que pour l'audio ( 30/40dB au lieu 60dB). Le rapport S/B dépend de la largeur de piste et le Quad  utilise des pistes étroites  de 0,25mm séparée de 0,13mm ( soit 0,38 mm au total) . La vitesse de défilement étant de 38cm/s avec 4 têtes  il y a donc 1000 pistes enregistrées par seconde (250 x 4).
La bande est plaquée par aspiration sur un demi cercle que parcourent les 4 têtes 
La tête est en contact avec la bande durant un arc de cercle  utile de 100° soit 1,1 mS . La ligne de télévision étant de 50 µS en 825 lignes, on enregistre 22 lignes  par piste.
En vérité on n'enregistre que 20 ou 21  lignes utiles, les  lignes supplémentaires étant des doublons permettant à l'électronique de  l'époque de commuter entre les têtes à la lecture. (1)

Le tambour est entraîné par un moteur synchrone dont le 250hz est obtenu à partir de doubleurs de fréquences du secteur.
Une cellule photoélectrique scrute une partie du tambour dont une moitié de la circonférence est réfléchissante. On obtient ainsi un signal carré de 250hz qui va être enregistré par une tête classique. C'est la "piste de contrôle" qui va servir à l'asservissement du moteur du tambour à la lecture.
Une autre tête classique enregistre le son.
Les différentes phases d'enregistrement de la bande
1) pistes video
2) piste de contrôle (synchronisation)
3) piste son 
Le signal vidéo n'est pas directement enregistré sur la bande car il contient des basses fréquences qui ne peuvent être enregistré, du fait de leur longueur d'onde, par les têtes. La fréquence la plus basse enregistrable est de 500kHz.
On ne peut utiliser la même solution que pour l'enregistrement sonore qui consiste à utiliser une polarisation HF superposée au signal  car on devrait utiliser une fréquence de 15 à 20 Mhz inatteignable par la technologie des têtes.
Il faut donc recourir à la modulation d'une porteuse par le signal vidéo. La modulation d'amplitude n'est pas possible car il y a naturellement des différences d'amplitude entre les pistes car les quatre têtes ont forcément des caractéristiques différentes  et qu'il peut exister   une différence dans le  centrage sur les pistes à la lecture.
synoptique de l'électronique de l'Ampex
On doit donc utiliser la modulation de fréquence, ce qui règle au passage le probléme de la polarisation puisque la bande sera enregistrée par tout ou rien.
 La modulation de fréquence classique utilise une porteuse élevé par rapport au signal à transmettre ce qui est évidemment impossible dans le cas présent.
On va  utiliser une porteuse de 4,3Mhz avec une excursion de fréquence de 2,2 MHz, pour un signal vidéo de bande passante 4 MHz ce qui entraine des bandes latérales disymétriques.
On va transmettre la bande latérale inférieure ( de 4,3 à 0,3MHz)  et pour avoir peu de distorsion  la bande latérale supérieure jusqu'à  l'excursion de 2,5MHz ( soit 4,3 à 6,5MHz).
Ce type de modulation implique que le rapport signal/bruit ne sera pas très bon ( 30dB-40dB, mais la vidéo est moins exigeante que l'audio) et de la distorsion apparaîtra si l'image à une résolution effective  plus grande que 300 lignes

L'inconvénient principal du Quad , outre sa difficulté de réglage,  est que l'on ne peut controler la qualité de l'enregistrement puisque les têtes de lecture et d'écriture sont les mêmes.
Les bobines utilisées sont des 40 cm pour les programmes d'une heure. La bande s'use rapidement et est inutilisable au bout de 100 à 200 passages. Comme elles sont très chères on réutilise tout de même  la bande au maximum ( ce qui fait que la majorité des enregistrements sont perdus).
Avec les premiers Quad  il était nécessaire de relire la bande avec le même bloc de têtes que celui qui l'avait enregistré. Comme les têtes étaient usées au bout de 100 à 150 heures cela faisait vraiment beaucoup de contraintes. Ensuite on  parviendra à standardiser la fabrication des têtes qui deviendront interchangeables. En 1958 le Video Tape Recording Committee normalise les caractéristiques d'enregistrement assurant l’interchangeabilité entre les machines Ampex et RCA.

Le montage physique des bandes était possible mais il fallait faire le raccord au voisinage de l'enregistrement  du signal de synchro (trame)  vertical. On développait la bande en y déposant un liquide volatil ayant en suspension de très petites particules magnétiques. Les intervalles de   synchro vertical apparaissent ainsi à l'oeil ( ainsi que la synchro ligne plus fine). On devait couper avec une précision de 0,12mm  car au delà d'un déphasage de 12° le signal pilote décrochait. La machine qui permettait l'édition, le  "Smith splicer", était équipée d'un microscope.
En 1961 RCA met au point un système de montage électronique qui n'entrera en service en France qu'à la fin des années 60.
L'Ampex  VR-1000-B de 1961 au musée RCA TRT-1B Le RCA TR 22

Thomson adapte au 819 lignes un VR-1000 Ampex, il est installé aux Buttes Chaumont en 1959. En 1960 c'est un RCA TRT-1B qui est essayé.
La première utilisation réelle d'un VR-1000 en France sera... pour la télévision américaine.
En avril 1960 les téléspectateurs US sont très intéressés par la visite de Nikita Khroutchev en France. Les chaines américaines veulent des images "fraiches" ( et  sont équipées de magnétoscopes). La RTF fournira des bandes Ampex au format NTSC  envoyées par avion.
En 1963 on met un service un gros car 3 caméras avec un magnétoscope VR-1200B destiné au tournage de dramatiques. Cet équipement restera unique en son genre.
Il faudra attendre 1964 pour que  cinq RCA TR 22 ( des quads entiérerement transistorisés) soient mis en service aux Buttes Chaumont.
En 1967  il y a 8 Ampex VR-1200B à Cognacq Jay qui servent à enregistrer 800 heures d'émission sur 4500 heures et 8 appareils aux Buttes Chaumont. Le montage est encore manuel mais on parle du VR 2000 couleur qui va permettre le montage électronique avec le système EDITEC ( notez que la BBC possède un VR- 2000 depuis 64).
VR1-200B à Cognacq Jay (INA) VR-1200B et pupitre de montage  VR-2000
(1) Il s'agit de la version "francisée" du VR-1000, l'original ( 525 lignes, 64uS)  défile à 15 ips ( 38,1 cm/s) avec un tambour tournant à 240 tps, un écart entre piste de 15 2/3 mils, soit 960 pistes/seconde et 16 lignes  par piste.

Sur un signal vidéo NTSC d'1V le blanc est à 714mV, les tops de synchro à -286mV et le noir au niveau de l'effacement (0V) ou à 53mV.
Quand on module positivement une porteuse   les tops de synchro correspondent à une modulation nulle, le noir et l'effacement à environ 30% de modulation et le blanc à 100%
Les premiers quadruplexs   prenaient 4,28 MHz pour les tops de synchro ( modulation nulle), 5MHz pour l'effacement (modulation 30%) et 6,8Mhz pour le blanc (modulation 100%). Ce choix créait des battements avec  la modulation de la sous porteuse chrominance à 3,6MHz (1,3Mhz BP I , 500KHz BP Q ) et on prit 5,5Mhz, 5,79MHz, 6,5MHz.
La résolution devint meilleure avec le  VR-2000 en utilisant des fréquences plus élévées: 7,06MHz, 7,9Mhz, 10MHz.

Sites et références 

Matériels Quads

Ampex
VR 3000 dans le dos du cameraman
et caméra BC 300 en 1969
  •  VR 1000 A, 1956-1957, le premier quad commercial 
  • 10-10 color kit, 1957 
  • VR 1000 B, 1958, avec option couleur 
  • VR 1001, variante avec platine verticale 
  • VR 8000, 1961, le premier essai d'enregistrement hélicoïdal, livré à 4 exemplaires insatisfaisants, ses circuits seront réutilisés dans le VR1100
  • VR1100, le premier transistorisé de performances inférieures au VR1000 avec a cue channel ( piste commentaires audio ou édition), intersync ( synchro améliorée et trucages) , amtec ( corrections défauts image), en option colortec ( couleur)
  • VR1200 une "mise à jour" du VR1100 pour retrouver les performances du VR1000 
  • EDITEC, 1963, système d'édition électronique "efficace"
  • VR1500, VR650-660, 1963, ici pour mémoire car ce sont les premiers enregistreurs hélicoïdaux commerciaux. En 1965 apparaitra le VR303/VR7000, premiers magnétoscopes pour la surveillance
  • VR 2000, 1964,  développé en particulier parce que la BBC veut une chaîne 625 lignes couleur. Les têtes ont une bande passante de 11Mhz., porteuse 7MHz, compensation de drop out
  • VR3000, 1967, portable, enregistreur seulement
  • AVR-1,1969,  premier quad "facile" à utiliser, Pour assurer une tension de bande constante on utilise une colonne à vide ou se  forme une boucle de bande, des cellules photoélectriques mesurent la position de la boucle et ajustent le servo. 
  • ACR-25, 1970, juke box 
  • AVR-2  plus petit que l'AVR-1, plus délicat.
  • AVR-3, 1975, le dernier, un intermédiaire en taille entre AVR-1 et AVR-2
RCA
TR-4
  •  TRT-1B 1959-1960 le concurrent du VR1000
  • TR-11 premier essai de minuitarisation 
  • TR-2 un  TR-11 amélioré
  • TR-3  lecteur seulement
  • TR-4 modéle compact
  • TR-50 un TR-4 à bande verticale
  • TR-60 un TR-50 amélioré
  • TR-5 enregistreur seulement
  • TR-22, 1961, le premier quad  à transistors
  • TR-70 à nuvistors
  • TR-600 compact platine horizontale
  • TCR 100, 1969,  Juke box 
  • TPR-10, 1976,  mobile