Fonctionnement de la mule Jenny originale (spinning Jenny + water frame)

 En 1770 Hargreaves inventa la machine qui renferme le principe des renvideurs modernes.

Cet article en détaille le fonctionnement.

Un autre article explique celui de la mule Jenny automatique (self acting, renvideur,...) qui fut la machine la plus complexe des filatures.

Pour convertir une mèche en fil, il faut procéder à l' allongement et à la torsion d'une portion  afin de former le  fil, puis le renvider (le bobiner) sur une canette ou une bobine.  Dans la mule Jenny  ces opérations  s'effectuent sur la même broche et il y a plusieurs broches en parallèle. Dans un premier temps on tord et on étire en tirant le chariot  et dans un second temps on renvide (on bobine la portion de fil obtenu) en poussant le chariot.

La spinning jenny



Les broches  tournantes G sont montés a une extrémité du bâti. Durant le mouvement de sortie l'angle entre les broches et la mèche est plus grand qu'un angle droit de manière à permettre à la dernière spirale de glisser de la pointe de la broche une fois par révolution et donc de se tordre sans déranger la partie de canette déjà effectuée.  

La traverse J porte des œillets par lesquels passent les fils, elle repose sur un chariot S qui coulisse sur le bâti du métier.  Avant le commencement du filage par les broches G on fait avancer la traverse à la main jusqu'à 1/3 environ du métier retirant ainsi une portion de mèche des bobines K. On serre alors la pince H sur la traverse J, de manière à retenir les fils et on fait tourner les broches G ce qui tord la portion comprise entre les broches et la traverse. Simultanément on avance la traverse ce qui provoque l'allongement. Les broches G sont mises en mouvement par la rotation du tambour M commandé par le volant L qu'on tourne avec la main droite par le la manivelle N tandis que de la main gauche on tire la pince J à l'aide de la poignée H. Le tambour M entraine chaque broche par une corde qui le relie à des poulies T sur l'axe des broches. Ce mouvement de sortie du chariot  s'appelle "main douce"

Quand le chariot est complétement sorti  et que la traverse J atteint l'extrémité du métier, il faut éliminer les quelques spires qui vont à la pointe de la broche et pour cela tourner les broches en sens inverse avent de commencer le renvidage . C'est le dépointage. 

On peut ensuite bobiner les fils, renvider. en tournant les broches dans le sens normal.

On renvide les fils sur les broches en les rabaissant tous simultanément jusqu'au sommet de la partie de la canette déjà renvidée.  Cela s'accomplit au moyen d'un fil métallique O , nommé fil de baguette, qui est rabaissé sur les fils par la rotation du disque P . La rotation du disque est commandé par la traction sur la corde R qui s'étend sur le coté du métier (quand la corde est relâchée le disque revient en position de repos à l'aide d'un contrepoids) . La corde passe sur 3 poulies horizontales sur le chariot S et on lui donne de la tension pour rabaisser le fil de la baguette en imprimant un mouvement transversal à la poulie du milieu au moyen d'un levier actionné par la main gauche tout en tenant la pince sur la traverse J. Les fils sont rabaissés par la baguette et la rotation des broches fait renvider le fil en forme de canette ou de bobine sur les broches. La traverse J est repoussé graduellement à la main au fur et à mesure que le renvidage se fait jusqu'à  revenir aux broches. Le fileur doit guider le fil en rabaissant la baguette progressivement pour que la canette ou la bobine se renvide régulièrement.

On est alors prêt à recommencer une nouvelle portion de mèche, une "aiguillée".

La spinning jenny en action 


La machine d'Arkwright( water frame)


La machine d'Arkwright créée en 1769 possède des rouleaux dévideurs pour étirer le fil.
Les cylindres du dessous sont en bois et cannelés, ceux du dessus garni de cuir . la pression s'exerce à l'aide de cordes et poulies reliés à des contrepoids. Le filage s'effectue comme sur un rouet (ou sur une métier continu moderne), la torsion étant obtenue par la différence de vitesse entre l'ailette C et la bobine D qui est simplement freinée.
La réunion des rouleaux d'Arkwright et du chariot portant les broches produira  la machine de Samuel Crompton en 1780, ancêtre de tous les renvideurs modernes

 Evolutions de la spinning Jenny

En 1776 Roland de la Platière présente un mémoire à l'académie des sciences ou il décrit une mule très incommode. Le mouvement des broches est obtenu par un tambour vertical, le reste du fonctionnement est celui de la mule précédente mais on voit mal comment l'ouvrier, placé en a,  réussissait à tourner et à pousser le chariot et comment, avec autant de broches, les boyaux de commande des broches avaient une tension égale et ne s'emmêlaient pas.  


P Nicholson décrit une machine ou les rouleaux dévideurs existent mais ou la baguette semble remplacée par un plan incliné permettant la constitution de la canette sans guidage du fil
Premier renvideur français. Les broches sont bien sur le chariot mobile mais il n'y a pas de rouleaux dévideurs. 

La mule Jenny

(Notez qu'au XIX e siècle on parlait de "mull-Jenny" au masculin)
La mule Jenny est une machine ou la barre H de tension  a été remplacée par les 3 paires de rouleaux dévideurs d'Arkwright pour étirer le fil avant de le tordre.
Schéma de principe d'une mule Jenny dans "Operative Mechanic" de J Nicholson vers 1820

Une réalisation pratique.
Les rouleaux dévideurs sont entrainés en même temps que le Chariot et les broches lorsque le chariot sort et doivent être débrayés pour le renvidage (l'engrenage K est débrayable par le levier).
Le tambour d'entrainement des broches d'axe vertical ne permet pas un grand nombre de broches, il sera remplacé plus tard par un tambour d'axe horizontal parallèle au déplacement du chariot.



Mule Jenny en action.

Mule Jenny semi automatique. Seul le mouvement de sortie du chariot  est mécanique, le dépointage et le renvidage se font à la main.

Une mule jenny entièrement automatique (appelée self-acting ou renvideur) fut inventée en 1834 par Roberts. C'était une machine extrêmement complexe et fragile. C'est la société Parr Curtis qui produira la première une machine complexe mais fiable. Les premiers renvideurs avaient 500 broches tournant à 5000 t/mn , ils en auront plus de 1000 en 1900 tournant à 10 000 t/mn.

Fonctionnement détaillé d'un mull Jenny

La France connait avec retard sa révolution industrielle sous la Restauration, le "Dictionnaire de l'industrie manufacturière" (1833-1841) transcrit les progrès de la technique. On trouve à l'article "laine"  la description suivante.




" Le chariot mobile B a un  mouvement de va et vient qui opère la filature; le bâti est en bois de chêne assemblé avec des boulons; le coté droit porte la roue motrice dans laquelle est pratiquée une gorge pour recevoir la corde de commande; d manivelle servant à lui donner le mouvement; F poulie verticale à plusieurs gorges angulaires de différents diamètres; elle est maintenue dans le plan vertical de la roue motrice par deux collets à coulisse, qui permettent, suivant qu'il est nécessaire, de lui faire changer de place dans le plan horizontal; elle reçoit, par le moyen d'une corde croisée, le mouvement de la roue motrice et le transmet à son tour, et également par une corde mais non croisée, le mouvement de la roue motrice, à la roue G , montée sur l'axe du tambour qui fait tourner les broches; H poulie de renvoi située dans le même plan vertical que les deux précédentes sur laquelle vient passer la corde après avoir enveloppé d'un seul tour la poulie G; I poulie à courroie montée sur l'axe et auprès du moyeu de la roue motrice, qui l'entraine dans son mouvement lorsqu'elle y est jointe, mais qui la laisse en repos lorsqu'elle en est éloignée; K poulies intermédiaires , montées sur un axe particulier , qui reçoivent et transmettent le mouvement aux poulies L, de plusieurs diamètres, fixées sur l'axe du cylindre inférieur distributeur M; N cylindre de pression d'un très petit diamètre placé librement par dessus; il est en fer blanc.
Les boudins de laine, contenus dans des paniers ou de pots de fer blanc placés derrière la machine, sont fournis de manière convenable à la filature par deux cylindres M N, entre lesquels ils passent. Le mouvement de ces boudins le long du plan incliné P , est favorisé par une toile sans fin qui embrasse et fait mouvoir le cylindre inférieur M; de là, passant dans la serre Q, dont la partie supérieure est mobile dans le sens vertical, ils sont retenus ou lâchés à propos par l'effet même du chariot B. Comme il sera expliqué ci-après, la partie supérieure de la serre appuyant de tout son poids sur l'inférieure, et étant toutes deux à rainures et à languettes qui se pénètrent réciproquement, les boudins se trouvent maintenues et pressées comme dans un étau.
Le chariot B est monté sur quatre roues en cuivre ayant des gorges à leur circonférence comme des poulies, elles roulent sur deux barres de fer posées sur champ, et parallèlement entre elles contre deux patins  en bois faisant partie du bâti de la machine; pour que ce chariot, dans son mouvement, observe le parallélisme. Chaque broche,  posée sur le devant du chariot dans un  plan incliné vers la machine, tourne sur une crapaudine et dans un collet en cuivre, par le moyen d'une corde en coton qui embrasse à la fois le tambour X et la poulie de cette même broche.
Y barre de bois tournant sur elle même autour de deux tourillons plantés dans ses deux bouts.; un support à collet la soutient dans son milieu. Les deux extrémités de la barre portent chacune un levier V arc-bouté, et qui sert à tendre de l'un à l'autre un fil de laiton au moyen duquel le fileur fait renvider sur la broche, à la fois et à la même hauteur, tous les fils de laine. Un contrepoids U la ramène toujours dans une position ou, ne gênant pas le service des broches, elle se trouve prête à agir de nouveau. W autre fil de laiton également tendu d'un bout à l'autre du chariot; passant par dessous les fils de laine , il les soutient , en cédant toutefois lorsqu'on vient le presser avec le fil de barre Y.
La machine étant complétement garnie, c'est à dire que chaque broche ayant. son boudin passé vis-à-vis d'elle dans la serre Q, et le fils étant attachés à chaque broche, le fileur pousse le chariot jusqu'au heurtoir. Dans ce mouvement, le chariot soulève, à l'aide des plans inclinés a qu'il porte, et des roulettes  b, la partie supérieure de la serre; il fait en même temps , par le moyen des renvois de mouvement et des tringles c d e f , approcher le moyeu de la roue motrice de la poulie à courroie I, qui alors lui est adhérente et se meut avec elle. Dans cet état de choses, le fileur tournant la roue motrice en sens inverse , et tirant à lui le chariot avec une vitesse proportionnée à celle que donne la roue motrice, les boudins sont amenés  en avant de la serre Q d'une certaine quantité, qu'on règle à volonté par la pose d'une détente que le chariot en passant fait partir, et qui remet le tout dans la première situation.   Cela fait, le fileur continue à tirer le chariot à lui jusqu'à ce qu'il soit arrivé au bout de sa course. Les boudins passés en avant de la serre se trouveront par cette opération transformés en mèche ou en fils plus ou moins fins.
L'aiguillée ainsi formée le fileur la renvide sur les broches en repoussant le chariot vers sa première position, et dirigeant en même temps les fils à l'aide de la barre Y."
 

Sites et références

  • Catalogue Platt brothers and Co. vers 1913
  • Traité théorique et pratique de la filature du coton. P Lamotte 1928 
  • L'art du fabricant de velours de coton. R de la Platière 1780
  • Operative Mechanic and british machinist. J Nicholson
  • Le mécanicien anglais de P Nicholson
  • Dictionnaire de l'industrie manufacturière commerciale et agricole, chez Baillière (10 volumes 1833-1841)