La peinture de la guerre au XIXe siècle



La peinture de bataille fut d'abord celle de masses confuses parmi lesquelles apparait la figure du chef.

La révolution va profondément changer le genre en introduisant une nouvelle mythologie ( la mort de Bara). La guerre de 70 va être l'occasion de représentations "réalistes" des humbles soldats ( les chefs ayant failli). La création des rotondes des  panoramas va donner lieu à la création de peintures de bataille gigantesques.
Ensuite la photographie prendra le relais de la peinture pour nous conter la guerre.
Le passage du Rhin
La mort de Bara Wertz
Figure dans tous les vieux livres scolaires
Mort de Ney. Gerome
Le critique Castagnary n'y voit "qu'un ivrogne qu'une ronde matinale a oublié de ramasser". Le fils du maréchal tentera d'interdire l'entrée de la toile au salon de 1868.
Gérome est pourtant considéré comme le prototype des peintres pompiers  

Louis Philippe en voulant transformer Versailles en musée historique dédié « à toutes les gloires de la France »  a amorcé un  mouvement massif vers les peintures de bataille  grâce aux commandes d’état. Il est d'ailleurs tout à fait malheureux que cette partie de Versailles ne soit guère visible à l’exception de la galerie des batailles (Il existerait même une salle consacrée à la guerre de 14 inaugurée dans les années 20).

Jusqu’au XIXe siècle les tableaux de bataille me semble relever de la représentation du chef (Louis XIV , Condé, Clovis) au milieu de ses troupes indiquant du geste le mouvement décisif qui va emporter la victoire. Le chef n’est pas forcément au premier plan mais il est au moins clairement visible à cause d’une différence de couleur ou par son attitude. Quelquefois des allégories protectrices apparaissent (victoire, richesse). Dans tous les cas la troupe, la foule, la piétaille, est traitée comme un faire valoir.
 Deux genres vont apparaître Le premier concerne les quelques héros reconnus de l’histoire de France (Jeanne d’Arc, Bayard, Bara). On les montre au cœur de l’action ou au contraire méditant de grandes choses, il s'agit alors plutôt de scènes de genre que de peinture guerrière (1)

La mort de Ney près de l’observatoire n’est pas vraiment un tableau guerrier mais il est intéressant par le procédé : c’est une vue après l’action. Ce martyre de la restauration à pour pendant le duc D’Enghien fusillé dans les fossés de Vincennes par ordre de Napoléon.
La prise de Constantine. Vernet 1837
à Versailles 
La révolte du Caire. Girodet 1810 
Les dernières cartouches. Alphonse de Neuville. 
Le curé de Bazeilles par J L Pallière 
Tableau exposé comme "les dernières cartouches" dans la maison musée de Bazeilles  
 Le deuxième genre montre les quelques événements guerriers de l’histoire ou on ne peut désigner un chef (jacqueries, prise de la Bastille, barricades). Les allégories traditionnelles sont remplacées par des personnages symboliques (la liberté sur les barricades) qui disparaissent au cours du siècle au profit d’une vision quasi photographique

J’ai acheté voila quelque temps  deux gros tomes sur la guerre de 1870 Par le lt Colonel Grousset (qui a ensuite écrit la guerre du droit à propos de celle de 14).
 Les ouvrages d’époque sur 70 sont rares alors que ceux sur 14 sont nombreux : défaite contre victoire.
Un intérêt d'un ouvrage sur 70 vient de ce que la deuxième moitié du XIX eme est la grande époque des peintres de bataille et que ce type d'ouvrage est abondamment illustré par des reproductions de peintures ( faute de photographies).

 La guerre de 70 va considérablement changer la peinture de bataille. En effet cette guerre est une défaite, les chefs ont failli et seuls quelques actes d’héroïsme dont les auteurs sont des obscurs ou des anonymes méritent d’être représentés. On a ainsi « les dernières cartouches « d’Alphonse de Neuville représentant la défense désespérée d’une maison de Bazeilles (laquelle deviendra un musée qui existe toujours).
Le curé, héroïque, de Bazeilles a fait l'objet de beaucoup de tableaux mais il y a aussi le turco Ben Kaddour au combat de Lorcy qui combattra avec un bras cassé, un autre blessé rechargeant son fusil.
Le turco Ben Kaddour
 La charge héroïque, et inutile, des cuirassés de Reichshoffen (parmi lesquels mon arrière grand-père) est le pendant français de la charge de la brigade légère.
La charge de cavalerie est un sujet courant qui donne des tableaux très similaires

Reichshoffen. Morot LightBrigade Caton Woodville
Rezonville Sedan

 Le tableau hautement symbolique « Patrie » de Georges Bertrand mérite le détour car il remplaça dans la galerie des batailles Clovis à Tolbiac à la toute fin du XIXeme siècle symbolisant ainsi le changement de vision de la peinture guerrière.
Clovis par Scheffer
Les Francs et les Gallo-romains sont en facheuse posture quand miraculeusement le chef alaman meurt. Clovis attaque!
Sera remplacé à Versailles vers 1892 par Patrie, lui même décroché en 1926 
Patrie.
A l'optimisme du tableau précédent succède l'accablement de  la guerre de 70. Après la victoire de 1918 ce tableau sera jugé  trop sombre et trop kitch.
Déposé à Metz, le tableau sera endommagé durant la seconde guerre mondiale. Ce qu'il en reste devrait être dans les réserves d'Orsay 

  1. La peinture académique connait une hiérarchie des genres:
    - Le "grand genre" comprend la peinture historique ou à sujet religieux ou mythologique avec un message moral,
    - La "scène de genre" c'est à dire de la vie quotidienne,
    - Les portraits,
    - Le paysage,
    - La nature morte.
    Cette hiérarchie correspond à celle des formats de tableaux: le grand genre est grand format. 

Les panoramas

Double panorama de Barker
Gravure du panorama du siège de Paris par Philippoteaux au Crystal Palace vers 1880.
Après l'exposition de 1851, le  Crystal Palace est reconstruit à Sydenham et devient un musée " éclectique"
Fragment du panorama de Rezonville (à droite, dans la courbe du mur dans la vue du panorama ci-dessous)
Panorama de Maroldovo.
Notez le décor du sol.
Le denier tableau pour Versailes
Aux Eparges au clair de lune. Paul Leroux
 La peinture de batailles a  bénéficié de la vogue des panoramas.

Cette invention anglaise de la toute fin du XVIII eme siécle fut importée presque immédiatement en France et deux rotondes furent construites à coté du théâtre des variétés. Elles furent détruites dès 1830 (seul resta le nom de passage des panoramas) mais des panoramas furent élevés aux Champs Elysées (théâtre du rond point, Marigny) et à chaque exposition universelle du XIX eme siècle.
On renforçait l’effet par un faux sol présentant un décor en continuité avec la toile. Les panoramas belliqueux français concernaient surtout l’épopée Napoléonienne mais à la fin du siècle ce fut les rares épisodes glorieux de la guerre de 70 qui furent évoqués. Le siège de Belfort fut l’objet de panoramas par Berne Bellecourt , sa facture parait assez médiocre sur la reproduction.
Les batailles de Rezonville et de Champigny par Detaille sont de bien meilleure facture. Ces panoramas furent découpés en petits morceaux dispersés aux quatre coins (Invalides, musée St Remy de Reims, hôtel à Oslo !….)
 De leur coté les Allemands victorieux firent aussi des panoramas. La bataille de Sedan donna lieu a deux panoramas l’un à Berlin, l’autre à Francfort.
La majorité des panoramas existants encore se trouvent dans des pays ex socialistes ou les scènes de bataille étaient restées fort prisées.
Apparemment il ne reste aucun panorama entier en France (1) et en Angleterre,  seul un modeste panorama de Rome subsiste au Victoria & Albert muséum.
Le Moroldovo panorama à Prague est toujours parmi les débris de l’exposition de l’exposition du jubilé de 1891 sur la bataille de Lipany en 1434. L’aspect extérieur du bâtiment a malheureusement été modernisé.
Le panorama Racławicka décrivant une bataille de la fin du XVIII eme a été déplacé mais se se trouve intact à Wroclaw.
Le panorama Feszty,  déplacé à Ópusztaszer au parc historique national, représente l’arrivée de magyars
Vers 1960 on construisit près de Moscou le parc de la victoire dédié aux victoires sur Napoléon et on y déplaça le panorama de Borodino conçu ver 1910.
Le panorama de Pleven en Bulgarie est une exception car il fut conçu en 1977, il représente une bataille contre les turcs.
Curieusement c’est en Suisse, à Lucerne, que subsiste l’un des derniers panoramas guerriers de l’Europe de l’Ouest : le panorama Bourbaki représentant l’armée française en déroute du général Bourbaki  franchissant la frontière Suisse durant l’hiver 1871.
Deux panoramas des défaites napoléoniennes subsistent : celui de Waterloo et celui d’ Innsbruck représentant la bataille de Bergisel .

  1. A Rouen vient de s'ouvrir un nouveau panorama dont le thème changera tous les 6 mois

Panorama du siège de Belfort par Berne-Bellecour
Le panorama de Sedan, par A Werner était exposé à Berlin.

Panorama de la bataille de Champigny par Detaille et A de Neuville.
Il était présenté au panorama national 5 rue de Berri, près des Champs Elysées.
La ville de Champigny en propose une "version animée"

Panorama de la bataille de Nuits par T Poilpot
T Poilpot était un spécialiste des panoramas. Il réalisa Balaklava (à Londres), Reischoffen, Buzenval, la prise de la Bastille, et même des panoramas américains sur la guerre de sécession.

Panorama de la bataille de Rezonville (Gravelotte)  par Detaille et A de Neuville, exposé au panorama du 251 rue St Honoré construit par Garnier
On trouve de nombreux fragments de ce panorama un peu partout, en particulier au musée de la guerre de 70 à Gravelotte.

L'avènement de la photographie

 La photographie va remplacer la peinture à la guerre de 14. Il s’agira aussi de photos « présentables »,  soigneusement retouchées. Nos grands chefs vont revenir sur le devant de la scène et on les représentera méditant à leur table de travail ou un tout petit peu près du front.
Le dernier tableau acheté pour Versailles, en 39, sera tout de même un hommage aux sans grade
Les panoramas et ses variantes (dioramas, géoramas, cyclorama,..) disparaîtront au profit des spectacles cinématographiques

Sites et références 

 Peintres

  • Anthologie des peintres pompiers. Jean Jacques Breton
  • Les peintres pompiers James Harding
  • Les maîtres de la Belle Epoque. JP Crespelle
  • Le musée du Luxembourg. Léonce Bénédite (divers ouvrages et catalogues) 

 Guerre de 70 

Versailles

  • Musée de l'histoire de France. Notez que la salle des croisades, celle de Constantine, de 1792 et celle de la Smalah existent toujours mais ne sont pas visibles librement.

Panoramas 

La peinture de bataille en quelques images